- La société civile immobilière est un excellent outil de gestion du patrimoine. Mais elle ne se prête pas à toutes les fantaisies. Nos conseils en fonction de vos objectifs.
Qui n’a pas été tenté de constituer une SCI au moment d’acheter un bien immobilier ? Née avec le Code civil, il y a tout juste deux cents ans, en mars 1804, la société civile immobilière n’a plus grand-chose à voir avec sa version d’origine. Aujourd’hui, elle repose sur un texte du 4 janvier 1978. Avec ce lifting, elle est de nouveau dans le coup. A tel point, que certains lui attribuent même des pouvoirs magiques. En particulier, celui d’éluder l’impôt. Soyons sérieux ! La SCI présente, certes, de nombreux atouts pour la gestion et la transmission du patrimoine, mais elle ne résout pas tous les problèmes.
- Une excellente alternative à l’indivision
Son principal avantage, c’est de faire mieux que l’indivision, ce régime où se retrouvent, par exemple, les concubins achetant leur logement ou les membres d’une même famille héritant d’une propriété. L’indivision n’est pas simple à gérer : toutes les décisions doivent être prises à l’unanimité, dit le Code civil (art. 815-3). Quelques assouplissements sont prévus, comme le mandat de gestion ou la convention d’indivision permettant à l’un des indivisaires d’agir au nom de tous. Mais le mandat est révocable à tout moment et la convention d’une durée limitée à cinq ans. Plus problématique encore, le Code civil prévoit (art. 815) que «nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision». A tout moment, un indivisaire peut saisir la justice pour faire vendre le bien et en partager le prix.
- La SCI échappe à l’impôt sur ... les sociétés
La SCI permet, elle, une gestion autrement plus pérenne du patrimoine. Constituée pour quatre-vingt-dix- neuf ans, elle est dirigée par un gérant dont les pouvoirs sont très librement fixés par les statuts. Autre avantage : la SCI jouit, en principe, de la transparence fiscale. Attention! Cela signifie seulement qu’elle échappe à l’impôt sur les sociétés, le fameux IS. N’allez pas croire que, si elle donne des logements en location, les loyers sont soustraits à l’impôt. Ils sont répartis entre les associés, au prorata de leurs parts, et sont déclarés par les associés au titre des revenus fonciers. Mais cela ne fait qu’un seul niveau d’imposition, au lieu de deux – l’un au niveau de la société et l’autre au niveau de l’individu–, dans les entreprises soumises à l’IS.
Et puis, les formalités pour constituer une société civile immobilière sont simples et rapides : vous rédigez les statuts, vous les signez, vous publiez un faire-part de naissance de la société dans un journal d’annonces légales et vous la faites immatriculer au registre des sociétés. Avec les conseils d’un avocat ou d’un notaire, comptez entre 1 000 et 1 500 euros de frais de constitution. Le coût n’est donc pas prohibitif. Mais, ensuite, la SCI doit vivre. Il lui faut réunir au moins une assemblée générale par an, au cours de laquelle le gérant fait son rapport. Elle doit aussi tenir une comptabilité, plus ou moins simplifiée selon la nature de ses activités… Ces contraintes, même légères, n’ont de sens que si la SCI rend un vrai service à ses associés. Si ce n’est pas le cas, autant s’en passer.
- POUR : Acheter à deux sans être mariés
Pour les couples mariés, la loi a tout prévu. En cas de décès d’un époux, le survivant peut rester dans le logement, gratuitement pendant un an, voire jusqu’à la fin de sa vie (articles 763 et 764 du Code civil). Pour les concubins, même pacsés, il n’existe rien de tel. Quand l’un décède, ses héritiers peuvent mettre le survivant à la porte. Pour éviter cela, il suffit aux concubins d’acheter en SCI et de se céder mutuellement l’usufruit de leurs parts. Pour peu que l’acquisition ait été faite à crédit, les frais sont minimes. Résultat : chacun devient nu- propriétaire de ses parts et usufruitier de celles de l’autre. Au premier décès, l’usufruit du défunt s’éteint. La moitié en nue-propriété du concubin en vie devient moitié en pleine propriété, sans droits de succession à payer. Et sur l’autre moitié, il conserve l’usufruit. Il dispose ainsi du droit de jouissance sur la totalité du logement pour le restant de sa vie. Seule lui échappe la nue-propriété des parts du défunt. Mais une clause d’agrément bien rédigée lui permettra de les racheter. Cette solution est préférable à la tontine, trop dangereuse et limitée. Son avantage fiscal profite en effet seulement aux logements valant moins de 76 000 euros au jour du premier décès. Inconvénient - Aucun, si ce n’est que la cession croisée de parts démembrées est un acte assez technique pour justifier l’intervention d’un notaire ou d’un avocat.
- POUR : Gérer seul avec les pleins pouvoirs
Dans l’indivision, les décisions se prennent à l’unanimité. Dans la SCI, tout dépend des statuts. Le gérant peut ainsi diriger seul avec des pouvoirs très larges : acheter, emprunter, vendre (sauf en cas d’associé mineur). Et cela, même s’il n’a plus qu’une part de la société ! Il peut donc donner toutes les autres, à ses enfants par exemple, et rester maître à bord. Des garde-fous sont toutefois prévus : le gérant doit rendre compte aux associés au moins une fois par an et ses actes doivent être conformes à l’objet social indiqué dans les statuts. De plus, il engage sa responsabilité, tant civile que pénale, pour les fautes éventuellement commises. Inconvénient - Le despotisme n’est supportable que s’il est éclairé… Avec l’âge, le gérant risque de perdre ses facultés intellectuelles. Si, en plus, les statuts ont limité les possibilités de révocation, sa destitution va nécessiter un recours au tribunal, après constat d’incapacité par un médecin. Bonjour l’ambiance !
- POUR : Verrouiller le capital et éviter toute intrusion
Quand un indivisaire décède, ses héritiers viennent grossir les rangs de l’indivision et compliquer encore un peu plus sa gestion. Rien de tel dans la SCI. Par une clause dite «d’agrément», à inclure dans les statuts, les associés peuvent soumettre à leur accord préalable l’entrée de toute nouvelle personne dans le capital social. Plus ou moins sévère, la clause peut concerner tous les modes de transmission des parts: la vente, mais aussi la transmission par donation ou succession, même au profit du conjoint ou d’un descendant ! Seule condition : faute d’agréer le nouveau venu, les autres associés devront racheter ses parts au sortant.
Inconvénient - A vouloir trop verrouiller le capital, on finit par rendre toute cession de parts impossible, sauf au profit des co-associés… et à condition de s’entendre sur le prix. En cas de désaccord, la valeur des parts doit être établie à dire d’expert, choisi par les associés ou désigné par le juge. Du contentieux en perspective !
- POUR : Conserver une propriété de famille entre plusieurs générations
C’est la maison où enfants et petits-enfants aiment se retrouver. Anticipant leur succession, les grands-parents constituent une SCI à laquelle ils apportent le bien. Comme ils habitent la maison, ils conservent pour eux l’usufruit des parts et répartissent la nue-propriété entre tous leurs descendants. Avec les conseils du notaire, les règles de réserve héréditaire et de quotité disponible sont respectées et le bénéfice des abattements fiscaux optimisé. Ainsi, la transmission de la propriété aux jeunes générations est assurée. Libre ensuite à chacun de conserver ses parts et de séjourner dans la maison s’il en a envie, en bonne intelligence avec les autres. Sinon, il peut toujours les céder à un oncle ou à une cousine plus attachés que lui à cette propriété.
Inconvénient - Tout se passe bien tant que chacun y met du sien. Sinon, la paix s’achète en payant correctement les parts de ceux qui veulent partir.
- POUR : Sortir l’immobilier des actifs professionnels
Un grand classique. Propriétaire des murs et du fonds, un chef d’entreprise souhaite vendre et prendre sa retraite. L’ensemble vaut trop cher pour les repreneurs intéressés. Il sort alors l’immobilier et l’apporte à une SCI constituée par lui-même, son conjoint et leurs enfants. Il vend le fonds séparément, pour un prix plus abordable, à un repreneur et la SCI lui loue les murs. Notre chef d’entreprise gagne alors sur tous les tableaux. Avec les loyers, il s’assure des revenus pour sa retraite. En faisant donation progressive de la nue-propriété des parts de SCI à ses enfants, il transmet le bien en douceur. En se nommant gérant statutaire, il peut continuer à diriger.
Inconvénient - Aucun, en dehors du risque de non-paiement des loyers par le locataire. Heureusement, il existe des garanties.
- POUR : Réaliser un gros investissement à plusieurs
En achetant un immeuble entier, l’investisseur fait une meilleure affaire financière que s’il acquiert plusieurs lots séparés. De plus, il échappe au statut de la copropriété. Mais l’opération nécessite souvent des capitaux très importants. Pourquoi donc ne pas s’associer avec un parent ou un ami et acheter en SCI ? Autre exemple: celui d’un investissement locatif dans le cadre de l’amortissement Robien. A deux, il devient plus facile d’acheter une grande maison neuve, très recherchée par les locataires. L’avantage est alors doublé. En effet, la limite annuelle du déficit foncier imputable sur le revenu global est de 10 700 euros par associé investisseur. A condition, bien sûr, qu’il ne soit pas locataire du bien !
Inconvénient - Il ne faut pas compter revendre facilement ses parts. La sortie de l’opération se fait plutôt par la revente du bien, d’un commun accord entre associés.
- POUR : Vendre un bien à ses enfants
Des parents âgés sont propriétaires d’un immeuble locatif qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants majeurs. Plutôt que de leur donner le bien, ils le vendent à une société civile immobilière qui sera constituée par les enfants. Ceux-ci n’ont pas les capitaux nécessaires, mais qu’importe ? La société emprunte et les loyers couvrent les remboursements de prêt. Plus fort encore ! Si les enfants perçoivent eux aussi des loyers et sont, de plus, fortement imposés, la société a alors intérêt à souscrire un crédit in fine. L’opération permettra aux associés de ne pas dégager de bénéfices fonciers supplémentaires, voire de réaliser un déficit déductible de leurs autres revenus fonciers. Quant aux parents, s’ils n’ont pas besoin d’argent, ils peuvent placer le montant de la vente sur un contrat d’assurance vie, en désignant les enfants comme bénéficiaires. A terme, ceux-ci se retrouveront avec l’immeuble et l’argent de l’immeuble, dans d’excellentes conditions fiscales !
Inconvénient - Pour être bien ficelé, le montage requiert les conseils d’un spécialiste de l’ingénierie patrimoniale et de la gestion de fortune d’une banque.
- POUR : Rénover et transmettre un immeuble à ses héritiers
Plus pointu encore. Cette fois, l’immeuble loué nécessite de gros travaux : ravalement, toiture, etc. Les parents en font apport à une SCI constituée avec leurs enfants. La société déroge à la règle et opte dès le départ pour l’impôt sur les sociétés (IS), puis se lance progressivement dans les travaux, financés partiellement à crédit.
L’intérêt de l’IS est de pouvoir amortir le bien, à un taux compris entre 3 et 4 %. Comme cette charge est déductible du résultat, elle permet à la société de réduire son impôt… et de dégager de la trésorerie, très utile pour contribuer au paiement des travaux. C’est autant de moins que les associés doivent apporter en compte courant.
Inconvénient - L’option à l’IS est irrévocable. Aucune erreur n’est donc permise. De plus, la société perd sa transparence fiscale. Si elle verse des dividendes, ceux-ci se retrouveront imposés deux fois, au niveau de la société et des associés. Un montage à réserver pour une rénovation lourde accompagnée de la transmission des parts sociales aux héritiers.
- POUR : Donner des parts plutôt que des droits indivis
Cette stratégie est fiscalement payante en cas d’emprunt. Prenons l’exemple d’un logement de 150 000 euros, sur lequel il reste 90 000 euros de crédit. En cas de donation d’un tiers de l’indivision, les droits sont calculés sur ce pourcentage de la valeur réelle du bien, soit 50 000 euros, sans tenir compte du prêt. En revanche, si le logement est en SCI, la valeur des parts sociales est égale à celle de l’immeuble moins les dettes, soit 60 000 euros. La donation d’un tiers des parts sera taxée sur 20 000 euros.
Inconvénient - La SCI a intérêt à être bien tenue. Sinon, l’Administration pourrait l’accuser d’être fictive et la requalifier en… indivision !
- CONTRE : Etre propriétaire en conservant l’anonymat
Vous ne voulez pas qu’on sache que le propriétaire de la plus belle maison du coin, c’est vous. Aussi avez-vous l’idée de vous cacher derrière une SCI au nom peu évocateur. Mais l’anonymat ne résistera pas longtemps…
N’oubliez pas, en effet, que la SCI doit se faire immatriculer au registre des sociétés tenu par le greffe du tribunal de commerce de son siège social. Sans cette formalité, elle n’a pas la «personnalité juridique», un élément essentiel de son existence. Il lui sera impossible, par exemple, d’ouvrir un compte en banque ou de faire valoir ses droits en justice. Or, n’importe qui peut se procurer un extrait de ce registre, sur lequel figure le nom des associés. Un tuyau, toutefois, pour faire durer le mystère un peu plus longtemps : donnez à la SCI un siège social très éloigné du lieu de situation de la maison - le domicile d’un associé, par exemple. Le temps que les curieux découvrent le greffe où il faut déposer la demande d’extrait, ce sera toujours cela de gagné.
- CONTRE : Acheter en couple avec de très jeunes enfants
Dans l’indivision, les décisions se prennent à l’unanimité. Dans la SCI, tout dépend des statuts. Le gérant peut ainsi diriger seul avec des pouvoirs très larges : acheter, emprunter, vendre (sauf en cas d’associé mineur). Et cela, même s’il n’a plus qu’une part de la société ! Il peut donc donner toutes les autres, à ses enfants par exemple, et rester maître à bord. Des garde-fous sont toutefois prévus : le gérant doit rendre compte aux associés au moins une fois par an et ses actes doivent être conformes à l’objet social indiqué dans les statuts. De plus, il engage sa responsabilité, tant civile que pénale, pour les fautes éventuellement commises. Inconvénient - Le despotisme n’est supportable que s’il est éclairé… Avec l’âge, le gérant risque de perdre ses facultés intellectuelles. Si, en plus, les statuts ont limité les possibilités de révocation, sa destitution va nécessiter un recours au tribunal, après constat d’incapacité par un médecin. Bonjour l’ambiance !
- CONTRE : Echapper aux créanciers
Confondant peut-être avec la SARL, société à responsabilité limitée, beaucoup pensent que le risque encouru par les associés d’une société civile immobilière se limite à leur apport dans le capital. Erreur. «Les associés répondent indéfiniment des dettes sociales, à proportion de leur part dans le capital», dit l’article 1857 du Code civil. Un associé détenant la moitié des parts est donc tenu de payer la moitié de toutes les dettes de la SCI. Il n’est pas permis d’alléger cette responsabilité. En revanche, il est possible de l’alourdir. C’est ce que ne manquent pas de faire les banques quand elles consentent un prêt à une SCI. Elles exigent la caution solidaire des associés ou, du moins, du plus solvable d’entre eux. En cas de défaillance de la société, le prêteur réclamera la totalité des remboursements à cet associé, à charge pour lui de se retourner contre les autres.
- CONTRE : Déduire des impôts les charges de sa résidence principale
«Si, au lieu d’acheter en direct mon logement, je créais une SCI qui me loue le bien, ne pourrais-je pas déduire des loyers toutes les charges, travaux, intérêts d’emprunt... ? Le déficit foncier viendrait en déduction de mes autres revenus fonciers, voire de mon revenu global, et me ferait faire une belle économie d’impôt.» La question revient souvent dans vos courriers. Ne rêvez pas, l’Administration vous accuserait d’abus de droit ! En effet, aucune charge n’est déductible du logement dont le propriétaire se réserve la jouissance. Le bail conclu entre la société et son unique associé n’a d’autre but que de faire échec à ce principe. Le fisc redresse donc, avec intérêts de retard et pénalités, car il n’y a aucune chance que la bonne foi du contribuable soit reconnue. Petite consolation, en cas de vente : l’associé qui occupait le logement à titre de résidence principale échappe à l’impôt sur les plus-values sur la partie de prix qui lui revient.
- CONTRE : Se vendre un bien à soi-même
Voilà un propriétaire bailleur lourdement taxé sur ses revenus fonciers depuis qu’il n’a plus de crédit sur le bien loué. Il lui vient alors l’idée de créer une SCI qui va emprunter et lui racheter le bien. C’est tout bénéfice. D’une part, il empoche le prix, d’autre part, il allège sa facture fiscale en déduisant à nouveau des intérêts. Mais le fisc l’attend. En considérant que la vente est uniquement fondée sur des préoccupations fiscales, il invoquera l’abus de droit et refusera la déduction des intérêts. Pour avoir quelque chance de succès, la «vente à soi-même» doit avoir d’autres motivations : solder un prêt en cours et réemprunter à meilleur taux, par exemple, ou substituer un prêt classique à un crédit in fine dont on ne peut pas rembourser le capital... Encore faut-il que l’Administration se laisse convaincre.
- CONTRE : Donner la nue-propriété d’un investissement Périssol, Besson ou Robien,Scellier
Pas de chance pour les époux qui, avant le 31 août 1999, ont fait un investissement Périssol en SCI. En effet, pendant les neuf années de location obligatoire, ils ne peuvent pas donner la nue-propriété des parts à leurs enfants. Même s’ils conservent l’usufruit et que le bien reste loué ! L’Administration les redresserait en considérant qu’ils n’ont pas respecté leur engagement de conserver les parts pendant neuf ans. En revanche, si ces mêmes époux avaient acheté le bien en direct, sans passer par une SCI, ils pourraient en donner la nue- propriété à leurs enfants. Dès lors que le logement reste loué, les propriétaires, devenus usufruitiers, conservent le droit de déduire l’amortissement. Mieux encore, celui-ci est toujours calculé sur la valeur de la pleine propriété. C’était trop beau ! En prenant la place du Périssol, le dispositif Besson a écarté toute possibilité de faire donation de la nue-propriété, qu’elle porte sur le bien lui-même ou sur des parts de SCI. Il devrait en être de même dans les dispositifs Robien, Scellier.Pinel, Denormandie.